Année après année, nous avons réussi à faire partir untel, ministre gênant, nous avons changé de gouvernement, nous avions même pratiqué l'alternance, nous avons défait des présidents successifs, qui s'agitaient ou pratiquaient l'immobilisme, nous avons chanté et crié... Mais rien n'y fait ou si peu, nous payons cher les espoirs d'un lendemain meilleur par une actualité qui nous dépeint toutes les misères dans lesquelles nous sommes encore.

Nous avons d'ailleurs appris, non seulement grâce au dictionnaire, que la manipulation des mots peut nous faire passer du fort minable au formidable. Il y en a eu de plus forte et de plus médiocre sans que personne ne puisse y trouver à redire, ceci étant dans le sens de l'histoire. Mais du fort minable, ou du formidable, personne non plus, ne peut pour le moment, qualifier par l'un ou l'autre des adjectifs. C'est trop fort !

C'est un événement français. Tous les Français sont actuellement rivés à leur écran de télévision, car d'un moment à l'autre, cela va être pour nous, fort minable ou formidable. Cela nous permet, en tout cas, de nous distraire des quelques millions de chômeurs que nous atteignons allègrement, fort minable ou formidable ; le françois moyen, candide, ne sait plus s'il s'agit d'un bon ou d'un mauvais score. "Les chiffres du chômage sont mauvais mais en même temps il n'y a pas de fatalisme", telle était la déclaration de Manuel Valls lors d'un déplacement à Paris. Son propos aurait sans doute été autre s'il s'était rendu dans le nord ou dans le sud de la France !

Les temps sont venus, non pas de ne plus participer à ce match de foot opposant gauche contre droite (où les uns défont ce qu'ont monté les précédents), ni même de faire en sorte de balayer l'actuel président comme nous l'avions fait du précédent, ni même de rechercher un alliance contre nature avec ceux qui veulent tout casser, Europe, France et probablement eux-mêmes, dans leurs contradictions, mais de botter en touche pour que les règles soient modifiées.

Cependant, nous n'avons pas réussi à convaincre d'entreprendre une si haute réforme, pour qu'elle soit entendue des uns comme celle d'un sauvetage, des autres comme une possibilité d'union, des minorités comme d'un espoir de sortir de l'anonymat.

Il eut fallu que cela apparaisse soit comme le seul moyen d'échapper à une crise qui n'existe finalement que dans les têtes qui la créent, soit d'un dispositif novateur auquel personne ne pourrait raisonnablement vouloir se soustraire. A la première formulation, fort minables ou formidablement dures, la crise reste, comme pour faire succomber le quidam françois à son apathie et à son désarroi.

La deuxième possibilité est celle du jeu des ordinateurs interposés. Et si nous n'y prenons garde et temporisons trop, ce sont eux qui vont définitivement gagner la dernière manche, mais à eux tout seuls et pour leur profit. Et beaucoup ricanent de cette troisième éventualité, déjà brossée d'anticipation, alors que nous hésitons toujours à y dresser et à y faire respecter l'aspect humain.